« Hé Ho Hé Ho on s’en va au bureau »…

Nos outils de travail en disent beaucoup sur notre époque et la manière dont nous travaillons.

Après nous être penchés dangereusement sur le mail,  la confcall et leurs excès respectifs, le sujet de notre lieu de travail mérite d’être lui aussi regardé d’un peu plus près.

Parce qu’« aller au bureau » n’a désormais plus du tout le même sens.

Tout comme le sacro-saint CV en matière d’emploi, le fameux bureau risque bel et bien de prendre la porte, avant que nous n’ayons eu le temps de crier gare.

Fini l’entreprise pyramidale et ses strates hiérarchiques sacrées, adieu cloisons et silos ! Les défis de 2016 se nomment transversalité, agilité, management à distance, mobilité et intelligence collective, travail en réseaux.

Le bureau individuel, synonyme d’avantage (durement) acquis, symbole de stabilité et de permanence du pouvoir, agonise, qu’on se le dise !

Il est devenu hors sujet, faux sens et contresens à la fois. Il n’est plus au goût du jour. Il fait vieillot et triste (comme dans « bureau des pleurs »…). Il est dépassé le pauvre.

Epaisseur de la moquette, nombre de fenêtres allouées (évidemment proportionnel au statut), qualité du mobilier, vue côté cour ou jardin ; que les responsables de services généraux se rassurent, eux qui n’avaient bientôt plus de cheveux à force de se les arracher, tout cela est derrière nous !

Bon, je relativise, car certains sont encore conviés à « passer dans le bureau de monsieur ou madame le Proviseur » 🙂 Ils s’en passeraient bien je crois...

De même qu’ici ou là, le bon vieux culte du présenteisme à la française nous conduit à « passer au bureau » plus de temps que de raison.

Tel le sparadrap du Capitaine Haddock, il collera enfin sans doute éternellement aux basques des collaborateurs du siège perçus par leurs collègues opérationnels comme restant « les fesses derrière leur bureau »…

De l’immobilisme à l’immobilisation corporelle il n’y a qu’un pas.

Les sièges sont chers (beaucoup d’appelés et peu d’élus). Les sièges coûtent cher aussi…

Que les plus nostalgiques d’entre vous se rassurent : pour un petit moment encore semblent devoir subsister le « bureau des admissions », le « bureau des objets trouvés », le « bureau des réclamations » mais aussi les sempiternelles injonctions qui raisonnent dans la maison familiale (« tu rangeras ton bureau » !). Pour cette dernière, c’est le papa qui parle.

Dans le même temps, le sport national auquel il a donné naissance, la bureau-cratie, semble plus résistant que bien des bactéries…

L’open Space a été pendant un temps tenu la corde dans le rôle de la solution alternative très tendance.

Il ne nous a pas (encore) tué, contrairement à l’ouvrage du même nom.

C’est déjà cela, même s’il a apporté avec lui son lot de misères quotidiennes (bruit en excès, dérangements incessants, mouvements de va et vient, perte de confidentialité et autres charmes de la vie en collectivité à l’heure de pointe, propagation accélérée des microbes et bactéries).

Avec ce bureau d’un genre nouveau tout ne marche pas comme sur des roulettes…

Pour les plus cinéphiles d’entre-vous, bon nombre de films l’ont mis en scène -ainsi que ses occupants- de manière tendre ou désopilante : la Proposition, le Stagiaire (ci-dessous), le Diable s’habille en Prada.

C’est un lieu fréquent de regroupement et de rassemblement de la tribu des stagiaires, particulièrement dans l’audit et le consulting.

Plus contemporain, le box lui a succédé.

Contrairement à ce que peut laisser croire étymologiquement l’expression Wonder Box, cette nouvelle mouture n’a pas fait quel des heureux. Autrement dit, ce bureau ne figure pas, loin s’en faut, en tête du box office…

On le surnomme parfois « bureau de passage«  ce qui est sans doute tout à fait approprié au fonctionnement par missions… avec la durée de vie associée pour les collaborateurs qui en sont chargés, viennent et repartent, arrivent et s’en vont.

C’est aussi là où l’on reçoit ses fournisseurs pour d’âpres négociations dans un environnement rendu le plus neutre possible. Quitte à en devenir impersonnel et anonyme.

Plus nomade, le bureau en centre d’affaires… à retrouver en gare, dans les aéroports  ou à proximité immédiate d’un centre commercial.

Pratique, anonyme, flexible à l’infini. Convenient diraient les anglo-saxons

Mais le bureau d’aujourd’hui se décline en réalité sous 1001 facettes :

• c’est d’abord votre bureau Windows...
• c’est également le bureau à la maison (télétravail), avec ou sans droit à la déconnexion
  
• pour d’autres c’est un bureau nomade (Sans Bureau Fixe, S.B.F.) : TGV, avion, véhicule de fonction
• et, enfin, certains changent de bureau tous les jours : chirurgien, acteur, sportif de haut niveau, pilote de ligne…

« Peu importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse » : ce qui compte est en réalité plutôt ce que l’on fait au bureau, ce que l’on fait de son bureau et dans son bureau. Ainsi que l’image qu’il donne de vous, de votre entreprise.

Espace collaboratif, lieu de créativité et de convivialité ? Centre d’innovation ? Espace de rencontre ? Lieu de pouvoir (perçu) ?

Pour terminer, je ne résiste pas à partager cette réplique culte que vous remettrez facilement dans son contexte :

« Vous ne savez pas qui je suis. Je vais tous vous convoquer demain dans mon bureau à la Komandantür »

« Pauvre andouille, tu n’as pas de bureau »

Courage, c’est la fin de la semaine, plus que quelques heures avant de … partir du bureau 🙂

Source images : allocine.fr, fnac.com