La valeur de l’Ancien

Les anciens, et plus généralement ceux qui nous ont précédés, ont beaucoup à nous apprendre.

Tuteurs, guides, coach, maîtres d’apprentissage, mentors, Maîtres Jedi aussi.

Pour « faire du neuf avec les vieux » en quelque sorte…

Quelques indices vous permettront de remarquer leur présence, par nature discrète : cheveux poivre et sel, ou absence de cheveux tout court, degré de patience bien supérieur à la normale, contrôle d’eux-mêmes en toutes circonstances. Et, surtout, ce regard qui pétille d’une intarissable soif de transmettre et partager. Partager et ne jamais garder pour eux, au nom d’un pseudo pouvoir dont ils n’ont, au fond, que faire.

On les reconnaît aussi à cette capacité qu’ils ont eu à se construire pas à pas, étape par étape, sans souci de plaire, mais en voyageant beaucoup, jamais vraiment loin du terrain ni des clients, là où bat le cœur de l’entreprise. Servir dans ce qui était, très souvent, l’entreprise d’une vie.

C’est ce qui fait le concept même de « valeur de l’ancien » : robuste, simple sans être jamais simpliste, efficace, valeureux, fidèle, jamais engagé à moitié. Sachant faire (plutôt que sachant tout court), défaire, refaire, et surtout … parfaire avant de passer à autre chose. En travaillant « au fond » plus « qu’à fond » oserais-je.

Ni en lévitation, ni en apesanteur, ni hors sol, ça jamais, mais toujours en prise avec le concret et les réalités. Garanti 100% « bon sens véritable ».
Ardoise & craie, papier & crayon, à l’ancienne. Digne héritier d’une époque où l’on traçait les plans de l’édifice à bâtir à même le sol. Sans même l’aide d’une matrice, d’un tableau Excel ou d’une « prez » : ils sont forts, en plus d’être dans le vrai, les bougres !

L’ancien, c’est l’Homme (notez le H majuscule) qui murmure à l’oreille des nouveaux entrants, des jeunes impétrants qui postulent au monde des affaires. C’est la courroie de transmission, au sens noble du terme. Transmission du geste, de l’esprit du geste, dans l’esprit et la tradition du Compagnonnage d’hier. Ou de certaines sociétés (je pense au Japon qu’il m’a été donné de découvrir brièvement en 1997), qui donnent à l’aîné une aura toute particulière, et lui accordent un profond respect, qui confine au sacré.

Les aînés jalonnent mon parcours. Je leur dois beaucoup.

Lorsque l’on débute, le futur est plein de promesses : on aspire.
J’ai quant à moi eu la chance inouïe de faire des rencontres qui inspirent.
J’en citerai 2 parmi tant d’autres.

Au premier chef -sans jeu de mots- Monsieur (avec un M majuscule, caractères gras, taille de police 40) Jean-Daniel. Je m’en souviens comme si c’était hier. Nous avons passé un an ensemble dans le cadre d’une année césure. Un stage long si vous préférez. Ceux-là même que l’on a supprimés car on les pensait destinés à dévoyer les jeunes étudiants de leurs nobles études. Alors qu’ils permettaient une vraie immersion dans la vraie vie de la vraie entreprise (c’est vrai, cela fait beaucoup…, mais au moins nous sommes dans le vrai !).

Jean-Daniel, c’était mon père Fouras à moi (je vous renvoie vers Fort Boyard) : un bon conseil par ci, un retour d’expérience par là. Disponible comme personne. Toujours il prenait le temps de me montrer, de m’expliquer. Il me donnait le droit et l’autonomie nécessaires pour expérimenter, tenter, essayer. Jamais bien loin de la bienveillante sécurité de son regard protecteur, de son oreille attentive.

Nous étions dans le pétrole, mais il avait aussi beaucoup d’idées…

Il me faisait ainsi consigner dans un grand classeur, mes découvertes professionnelles du jour, de la semaine, du mois. Le classeur est devenu deux, puis trois. J’ai toujours ces classeurs, et je m’y réfère encore parfois, même 25 ans plus tard.

Car voyez-vous, dans la vie de l’entreprise, l’histoire repasse souvent les plats, et certains sujets de fond (pas de ‘fonds’) reviennent aussi régulièrement que les saisons.

Jean-Daniel m’a permis, du haut de mes vingt ans (j’étais jeune, grand et beau… je vous jure….), de me frotter à mes premières animations de réunions… d’intervenir dans mon premier comité de direction… et de garder une salutaire ligne de conduite : « être sérieux sans jamais se prendre au sérieux ». Il m’a appris, souvenir professionnel parmi tant d’autres, à animer une réunion sur un mode participatif, bombe de colle repositionnable en main droite, et des dizaines de Post-It de couleurs et de tailles différentes en main gauche.

De vous à moi, j’ai d’abord cru avoir affaire à un illuminé, sorte de gourou Gaulois bravement entré en résistance face à l’invasion du numérique. Vaillant gladiateur qui aurait défait l’hydre digitale.

Jean-Daniel, c’est le trèfle à quatre feuilles de mes 20 ans.

Avant qu’il ne nous quitte il y a quelques mois, nous avons entretenu toutes ces années un indéfectible lien fait de respect et de gratitude, prenant toujours plaisir à nous rappeler cette année en or : ne jamais oublier d’où l’on vient… et toujours se rappeler de bâtir sur des fondations solides, en plus d’être profondément humaines

Quelques mots, ensuite, pour Olivier.

Avec un O majuscule, phonétiquement celui de l’exclamation.

Une rencontre la tête dans les étoiles (celles du Vice-Amiral d’Escadre qu’il deviendrait quelques années plus tard).

Jeune Officier de Marine, je l’ai longuement observé, en plus de servir sous ses ordres, pour tenter d’appréhender cette subtile alchimie entre esprit d’équipage et art du commandement.

Commander à la mer. Dans un environnement hostile et imprévisible par nature. Avec humilité et intensité. Et un profond respect de l’autre. Mettre chaque membre d’équipage dans les meilleures conditions pour exceller dans son expertise, et durer. Et surtout obtenir le meilleur résultat d’ensemble, supérieur à la simple somme des parties. Faire grandir. Avec un remarquable sens de l’engagement et de la mission, sans tricher.

Tout en sachant innover, faire bouger les lignes d’une organisation pourtant perçue comme rigide. Avec le zeste d’impertinence et d’audace nécessaire.

L’art si délicat de ne jamais confondre autorité -celle de la légitimité, de la crédibilité, de la parole reconnue- avec autoritarisme. Celui du grade, du chef zélé en mode crocodile (comprendre grande gueule et petites oreilles), spécialiste et sachant et en tout.

Olivier incarnait par dessus tout dans ses fonctions l’éthique de l’Officier. Celui que tous cherchent du regard à bord pour sa valeur d’exemple. Dimension qui ne cesse de prendre de l’importance dans la vie en entreprise.

Nous prenons plaisir à poursuivre nos échanges, croiser nos regards, autrement désormais, mais l’estime est toujours intacte. Des conversations d’une richesse inouïe, en plus d’être inspirantes à plus d’un titre. Avec pour fil conducteur de bousculer les certitudes, et piétiner les discours convenus.

Je leur devais bien ce clin d’œil sur le blog, en forme d’hommage (et pas ‘dommage’ !). Pour leur dire que je pense à eux et qu’ils sont là, tout près.

Il me tenait à cœur de rappeler ici, aujourd’hui, que « le chemin parcouru n’a de sens qu’en fonction de l’avenir qu’il dessine » : les rencontres que nous faisons, sur le chemin de la vie, sont autant de sources d’inspiration.

Sachons les reconnaître pour ce qu’elles sont, sachons les bonifier, et nous souvenir qu’elles comptent pour nous.

Etre reconnaissant, tout simplement.

Pas plus, mais c’est déjà tellement

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