Relation entreprises – cabinets de recrutement : l’heure du new deal ?


Source image : alphafoxicare.com

Pas de langue de bois, soyons très clair mes amis, cette relation qui ne date pas d’aujourd’hui, a semble-t-il comme du plomb dans l’aile !

Déjà, pardonnez le clin d’œil, le terme même de ‘cabinet’ n’est pas bien flatteur : un petit côté secret (cabinet occulte), un petit côté salle d’attente (le cabinet du médecin), un petit côté ‘on paye plus qu’on ne le devrait’ (le staffing des cabinets ministériels)… et je ne parle pas des cabinets tout court. Pardon si vous êtes à table. Tout ceci manque fort, en définitive, de glamour et d’attrait !

Oh ne souriez pas, car le concept « chasseur de têtes », autrefois très en vogue, n’a pas une connotation bien plus positive. Le côté Jivaro a vécu…

JIVAROSource image : lespeuplesdusoleil.hautefort.com

Des mots aux maux il n’y a qu’un pas, que nous allons allègrement franchir avec ce billet.

De vous à moi, la relation entreprise-cabinets a en effet prospéré sur plusieurs malentendus, qui ont progressivement creusé le fossé qui sépare ceux qui devraient au contraire fonctionner comme de vrais partenaires, et inscrire leur relation dans la durée.

MALENTENDUSource : blumaise.chez.com

Pour en citer le plus grand nombre :

D’abord vu côté cabinets…

1-« L’entreprise doit faire appel à nous car elle n’a pas le droit de faire de l’approche directe » (Ah bon ? Selon quels textes ?)

2-« L’entreprise ne peut pas mettre en œuvre autant de moyens de sourcing que ceux dont nous disposons » (Ah bon ? Et la cooptation, les réseaux d’anciens, les CVThèques, les réseaux sociaux…)

3-« Un bon candidat, cela se paye au prix fort ! A moins de 30% d’honoraires, on ne travaille pas » (comprendre en % de la rémunération annuelle totale brute). « Et encore, pensons à bien refacturer nos coûts réels » (frais de déplacement du consultant, frais d’annonce…)

Et maintenant, vu côté entreprise…

1-« La relation avec les cabinets doit être pilotée par les achats frais généraux : priorité au moins cher » (pardon, au ‘mieux disant’ !)

2-L’entreprise peut se débrouiller seule, pour tous les postes sur lesquelles elle recrute. « Avec tous ces demandeurs d’emploi, ce serait bien le diable si on n’y arrivait pas ! » (sic)

3-« Dans un cadre budgétaire contraint, commençons par réduire les dépenses avec nos prestataires extérieurs » (comprendre communication, recrutement…)

MALINSource image : Hachette Jeunesse

Du malentendu et de l’incompréhension à la filouterie, il n’y a hélas qu’un pas : ici je minore la rémunération réelle du candidat que j’ai embauché, là je ‘refourgue’ un candidat arrivé en numéro 3 sur une autre mission pour un autre client. Ici encore je débauche au bout de 2 ans mon candidat placé pour le repositionner ailleurs. Là je met un temps fou à régler les factures du cabinet (après les avoir découpées en ’10 fois sans frais’ puis les avoir égarées autant de fois…). Ou alors je traîne un temps infini avant de recontacter les candidats que l’on m’a transmis…

Mais la liste des ‘petites vacheries entre amis’ est en réalité sans fin. Comme l’imagination des acteurs de ce marché. Bien sûr vous n’êtes pas obligés de me croire…

Avouez que tout cela nous laisse comme une saveur un peu amère en bouche.

Dans le même temps, il devient plus difficile de s’y retrouver : les entreprises créent des cabinets de recrutement internes (dits Centres de Services Partagés ou CSP), les cabinets de recrutement d’aujourd’hui n’ont plus grand chose à voir avec ceux d’hier, et enfin la frontière entre cabinets/jobboards/communautés de coopteurs tend à être moins nette.

FRONTIERESource image : carigami.fr

Cabinets de recrutement comme entreprises sont pourtant bel et bien confrontées aux mêmes défis, défis de taille s’il vous plaît :

1-Professionnaliser leurs chargés de recrutement, qu’ils soient ‘consultants’ ou ‘collaborateurs’ : a fonction stratégique, formation de haut niveau ! C’est un pilier d’un recrutement plus responsable.

2-Accueillir chaque candidat comme un client (ou un futur client ‘donneur d’ordres’ pour les cabinets !). Et ainsi réinventer l’expérience candidat, qui en a bien besoin, pour la faire évoluer vers plus de proximité et de confiance. Enfin.

3-Etre inventif et malin pour dépasser le réflexe de précaution des candidats : il faut déployer une énergie de plus en plus grande pour convaincre des candidats confirmés et en poste qui se révèlent de moins en moins mobiles et de plus en plus prudents : « le changement, c’est rarement ! ».

4-Revisiter intégralement son approche avec la digitalisation des outils de recrutement : le poids grandissant des réseaux sociaux et des smartphones, la gestion optimale de l’information critique et de la blogosphère, avec les nouveaux rapports au temps et aux distances que cela induit…

5-Affronter avec imagination le grand chantier du « collectif » et du « sens » dans l’entreprise : pourquoi travailler ici plutôt qu’ailleurs ? Après tout, les cabinets ne sont-ils pas dans ce domaine des entreprises comme les autres ?

DEFISource image : jeuxsoc.fr

Les défis communs d’aujourd’hui imposent en réalité un nouveau modèle coopératif entre cabinets de recrutement et entreprises.

Ce pacte, refondé et réhabilité, aurait ainsi vocation à :

  • S’inscrire dans un horizon temps élargi : finissons-en avec les contrats annuels, qui à peine signés doivent être dénoncés pour être mieux renégociés. J’ai moi-même expérimenté le passage à des contrats cadres de 2 ans.

 

  • S’appuyer sur une communauté de valeurs : parce que tout le monde ne peut être partenaire avec tout le monde. La confiance passe par une nécessaire phase d’acculturation. Les référentiels, les ADN doivent être compatibles.

 

  • Faire le pari de la co-construction : faire évoluer ensemble la démarche de recrutement et les outils mis en oeuvre, mais pas seulement. Un partenaire sert en effet aussi à faire grandir, à apporter un regard critique qui doit être accueilli avec bienveillance. Entreprises et cabinets gagneraient à davantage explorer ensemble ces sujets. Bien plus en tous cas qu’elles ne le font à date. Je pense ici à ces cabinets partenaires qui challengent judicieusement leurs clients en proposant un candidat ‘outsider’ dans leur shortlist, permettant ainsi de susciter en interne le débat et le questionnement utile.

REINVENTER

La bonne compréhension (et donc la fin des malentendus), l’efficacité et l’enrichissement mutuel sont à ce prix.

C’est le « 3 fois gagnant » : gagnant pour le cabinet, gagnant pour l’entreprise, et gagnant pour le candidat !

L’heure du new deal a sonné.

Et vous, où en êtes-vous ? Comment avez-vous avancé dans cette direction 🙂 ?

5 thoughts on “Relation entreprises – cabinets de recrutement : l’heure du new deal ?

  1. 1-Professionnaliser leurs chargés de recrutement.
    Pour l’entreprise : trop de coût pour la formation et encore moins pour la gestion des talents (pas seulement au sein de PME).
    Pour le cabinet : risque fort que le chargé de recrutement devienne consultant au sein d’un cabinet concurrent.

    2-Accueillir chaque candidat comme un client.
    Pour l’entreprise : non sens car pour le RH c’est au candidat à se vendre et à séduire (hé oui, on est en France).
    Pour le cabinet : c’est déjà le cas sur les métiers « pénuriques », et c’est l’inverse sur les divisions qui ne manquent pas de candidats.

    3-Etre inventif et malin pour dépasser le réflexe de précaution des candidats :
    Je serai curieux de vous lire sur ce point.

    4-Revisiter intégralement son approche avec la digitalisation des outils de recrutement :
    Pour les entreprises du CAC40 (car les PME/TPE ne sont pas concernées avant au moins 15 années) : processus en cours, don’t disturb.

    5-Affronter avec imagination le grand chantier du « collectif » et du « sens » dans l’entreprise :
    Je ne comprends pas la présence de ce « point » dans un « canevas décousu » et « orienté ».

    A FAIRE :
    Analysez les missions, les tâches et l’activité d’un chargé de recrutement en cabinet et en entreprise (appuyez vous sur des indicateurs durant une année complète pour les deux profils).

    Renouvelé l’expérience pour les situations suivantes :
    Entreprise internationale / Cabinet internationale
    Entreprise nationale / Cabinet national
    Entreprise régional / Cabinet régional

    Le titre me plait, le contenu est un conglomérat d’interprétation et de non-sens (à mon goût). Effectivement, des questions ouvertes doivent être mises en lumière et les débats ouverts entre employeurs et cabinets. Quels employeurs ? Quels cabinets ?.. Pour quelles finalités ?..
    Comme dirait l’autre : « Si on ne sait pas ce que l’on cherche, on ne risque pas de le trouver ! »

    1. Bonjour, merci pour votre commentaire détaillé.
      Je vous rejoins tout à fait sur les variantes de cette relation (selon la taille de l’entreprise/du cabinet et le degré d’internationalisation).
      J’ai pu côtoyer dans mon parcours une cinquantaine de cabinets ce qui n’a pas vocation à être exhaustif, mais commence néanmoins à se rapprocher d’un échantillon représentatif.
      Pour la notion de candidat-client et de formation des recruteurs, je maintiens mon propos 🙂
      Je vous souhaite une belle journée et reste bien sûr à votre disposition pour poursuivre cet échange / ce débat : blogrh69@gmail.com

  2. Bonjour

    Je suis touché par votre analyse de la situation parce que je la trouve pertinente et bien formulée

    Je fais la même analyse de mon côté …

    J’exerce depuis 1987 le métier de Conseil en recrutement de cadres dirigeants et d’expert en m’efforçant depuis mes débuts dans ce métier de lui faire honneur.
    C’est un beau métier, utile et efficace quand il est fait selon les règles et l’éthique que vous avez eu la bonne idée de rappeler : Honnêteté, durée de la relation, intention de respect fondamental des personnes, ouverture aux évolutions technologiques, relationnelles et générationnelle …
    Vous êtes beaucoup lu Monsieur VILCOT dans la communauté des DRH en particulier, en rappelant ces règles dans votre message, vous contribuez à tirer l’ensemble de la relation entreprise /cabinets /candidats vers le haut et je vous en remercie très sincèrement.

    C’est en effet devenu pour moi une sérieuse difficulté que de pouvoir expliquer à de nombreuses entreprises ce qui distingue Innoé , (et quelques bons confrères), car en effet de nombreux DRH et décideurs en entreprise ou dans les organisations sont déroutés voire « dégoûtés » par les pratiques de certains cabinets et ont une représentation partielle ou détériorée de mon métier , de surcroit les candidats n’aiment pas( plus) les » recruteurs «.

    De ce fait j’ai depuis longtemps cherché et analysé la motivation qui me fait pourtant toujours aimer mon métier, 25 ans plus tard et qui me fait aimer le métier des autres, clients et candidats ( c’est aussi parce que je lui ai rajouté ma compétence de coach professionnel depuis 15 ans )

    Nous ne sommes pas le seul métier à être attaqués dans ses fondamentaux ; la société semble générer cela : instituteurs, médecins, avocats, policiers, énarques …la listes est longue, les DRH ont aussi des attaques… et certains secteur d’activité comme la Banque, la distribution versus les producteurs …

    La difficulté est de maintenir la bonne image des acteurs qualitatifs de chaque métiers ou secteur.

    Or pour ce qui concerne les conseils en recrutement, les bons deviennent particulièrement des exceptions dans la confusion globale des mauvaises pratiques et des modèles « border line «

    C’est aux DRH et aux opérationnels d’entreprises de faire la part des choses , à nous , consultants de mieux expliquer notre vrai métier et aux candidats d’être exigeants au bons sens du terme

    bien courtoisement

  3. les mots sont dits, je veux dire posés. ,Tout change, la question est donc:sommes nous prêts à changer de paradigme, et à regarder les choses en face ?! je crois et quoi qu’en dise, mon côté optimiste certainement, que cabinets, comme entreprises sont en marche, et que ceux qu’ils ne le sont pas auront bien du mal à trouver non pas leurs candidats, ou encore leurs clients, mais les hommes et les femmes qui feront grandir l’économie des territoires ! mais bien entendu ce n’est que mon avis !

    Ce texte est assez dur, certains cabinets ne se reconnaîtront pas, et pourtant le rapport au travail change, les comportements, les outils eux aussi. la vraie question est : Et nous changeons nous à la même vitesse ?

    In fine, sommes nous capables de nous adapter aussi vite que le changement lui-même dans un objectif simple celui de permettre à l’humain de libérer son potentiel. et là cabinets, entreprises, candidats s’y retrouveraient !

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