Je suis mail-ade, complètement mail-ade…

Je vous y prends : en train de ‘checker‘ vos mails entre le transat et le parasol ! Et de plus, en douce, l’air de rien, sous le manteau (même si ce n’est pas de saison), pour ne pas vous faire repérer par votre petite famille. Malheureux…

Toute ressemblance avec des personnages et lieux ayant réellement existé…

Notre Smartphone est devenu notre petit Tamagoschi des temps modernes, à tel point que nous pensons le sentir vibrer dans notre poche pour nous annoncer l’arrivée d’un message, alors même qu’il ne s’y trouve pas !

Paru fin 2014 sur le Blog sous le titre « honni soit qui mail y pense », la période de vacances permet de remettre à l’honneur cet article qui vous avait peut-être échappé. En voici une version revisitée !

Cet article aurait également pu s’intituler, au choix :

  • ‘le mail m’a tué’
  • ‘maily-mélo’
  • ‘le mail est fait’
  • ‘mail du matin chagrin, mail du soir désespoir’
  • ‘il n’y a que mail qui m’aille’
  • ‘le facteur est-il passé ?’
  • et mon préféré qui a longtemps tenu la corde : ‘vous avez un message’ (même si en vacances on préfère bien évidemment ‘avoir un massage’)

VOUS AVEZ UN MESSAGE

Ce fameux mail, mél ou courriel, a bel et bien changé nos vies.

En bien, je ne sais pas trop, mais il a en tous cas assurément opéré un profond bouleversement dans nos habitudes de travail. A commencer par notre organisation, notre rapport au temps, nos pratiques managériales, nos modes de communication professionnelle.

Le DRH que je suis ne peut que regarder tout cela sous un angle différent, mi admiratif, mi inquiet

Car en un clic, vous pouvez désormais ô miracle :

Vous adresser à n’importe quel membre de votre organisation, ou celle d’un concurrent, PDG, membres du comité exécutif ou de direction inclus. Pratique pour les clients mécontents, les collaborateurs en conflit avec leur manager local…

Réaliser de très grosses économies : timbres, affranchissement, recommandé, cartes postales, enveloppes, papier à lettre, encre… disparus ou presque !

Faire profiter tout le monde de vos échanges ou de vos contraintes d’agenda, grâce à l’option « répondre à tous » : « désolé, je préfèrerais Lundi 12h ». Et comme la réunion doit réunir une dizaine de participants, nous n’en avons pas fini !

Couvrir vos arrières : avec le mail, c’est ceinture, brettelles, parapluie et parachute ! « Tu ne peux pas me dire que tu n’étais pas au courant, car je t’ai fait un mail sur le sujet ».

Ecrire à toute l’entreprise pour dire que vous arrivezje suis ravi de vous rejoindre, après X années passées chez Y dans le rôle de… ») ou que vous partez pour mon dernier jour dans l’entreprise, je vous propose de nous retrouver autour d’un moment de convivialité… »).

Eviter de discuter en tête à tête avec les vrais gens dans la vraie vie, votre voisin de bureau inclus, puisque le mail peut même remplacer le fait de se lever de sa chaise ou de décrocher son téléphone. Plus de mails que jamais, moins de dialogue que jamais. On ne se parle plus, on s’écrit. Voilà tout.

Ajouter une nouvelle compétence à votre savoir-faire : ‘trier ses mails’.

COURRIELS

En plus de votre langue maternelle et, dans la plupart des cas, de l’anglais, vous allez pouvoir faire l’acquisition d’un nouveau langage, dans lequel vous progresserez très vite :

  • Annule et remplace : synonyme de trop vite envoyé, incomplet ou erroné. Qu’importe, vous pouvez jouer autant de fois que vous le souhaitez. Variante qui se développe de manière exponentielle : « avec la pièce jointe, c’est mieux. Désolé ». Ou encore : « l’expéditeur souhaite rappeler ce message ». Plus banal : « erratum ».
  • Copie : attitude proscrite dans votre enfance (« on ne copie pas »), surveillée de très près par les Douanes (copie synonyme de contrefaçon), et qui par la magie de la technologie redevient une pratique à la mode : « je t’ai mis en copie ».
  • Copie cachée : version sournoise de la précédente ou petit coup de vache entre amis. Je te l’écris sans te l’écrire…
  • ZZ-LS quelque chose : souvent pour décrire une liste de distribution, rarement complète, rarement mise à jour… et qui vous conduit parfois à écrire à des gens qui ne sont plus dans l’entreprise depuis quelques mois ou années. Vous en serez quitte pour quelques mails de plus : « undeliverable mail returned to sender »…
  • Forwarder : pour ‘faire suivre’, ‘transférer’. Vient souvent avec quelques termes du type ‘asap’ (as soon as possible), ‘slts’ (pour salutations), ‘cdt’ (cordialement)
  • Répondre à tous : une erreur impardonnable, passons…
  • Pièce jointe : le truc par nature effrayant, qui peut peser 4 ou 8 Mo, bloquer votre boîte en un seul mail. Lorsqu’on la décline au pluriel, on peut se retrouver avec 3 documents Word, 2 .pdf, 1 .ppt et 4 .jpeg dans le même mail. Je dois avouer que j’ai croisé un responsable de service qui la veille de son départ en congés n’oubliait jamais ô grand jamais de s’envoyer un mail dont la taille permettait de bloquer sa boîte : « plus de mails, plus de soucis. On verra au retour. Les cimetières sont remplis de gens indispensables ».
  • Pop Up : vous savez, mais si, ce petit truc exaspérant qui s’ouvre bien malgré vous en bas à droite de l’écran, lorsque vous êtes en train de travailler sur un dossier de fond, et qui vous signifie l’arrivée d’un nouveau mail, allant jusqu’à vous en montrer un petit aperçu. Pour vous tenter et montrer qu’en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, vous avez rejoint la plus grande communauté au monde : celle des mail-addict
  • Spam : synonyme de « la prochaine fois je penserai à décocher la case autorisant l’envoi sur mon adresse ‘d’offres promotionnelles incroyables et personnalisées qu’il ne faut rater pour rien au monde’ » Trop tard. Si j’avais su. Avertissement de sécurité : dans un geste d’énervement, ne vous laissez pas aller à placer votre patron dans la liste des expéditeurs indésirables.
  • Re :Tr :Re :Tr : Fwd : un mail qui a beaucoup (trop) circulé, sans doute au-delà du raisonnable. On n’y comprend plus rien !
  • Merci pour ton aide : non, là vous rêvez, c’est une erreur de ma part. On a déjà du mal à dire ‘merci’ à l’oral, alors vous imaginez dans un mail… 🙁

COURRIER EN RETARD 2

Tout ceci prêterait plutôt à sourire si le mail n’avait finalement pas pour insidieuse conséquence :

De nous faire écrire tout et n’importe quoi, surtout pour les managers : j’ai vu en tant que DRH des mails écrits en rouge, gras souligné… que l’on retrouve ensuite dans des procédures contentieuses. La loi lui confère d’ailleurs le statut de ‘commencement de preuve’.

De nous faire écrire n’importe quand : à 5h parce que l’on prend le premier TGV du matin, à 3h parce que l’on a une insomnie, le dimanche parce que l’on s’ennuie à la maison… Vous oui, mais votre équipe sans doute pas… alors merci pour eux !

De perdre l’élémentaire politesse qui sied aux échanges professionnels : redisons-le, un mail commence par ‘bonjour’, se termine par ‘avec mes remerciements’, et la formule de politesse n’est pas optionnelle. On écrit comme l’on parle ! L’emploie des majuscules signifie en l’espèce que l’on crie…

De créer d’interminables débats, parce que certains ont cru lire entre les lignes, ont interprété le mail reçu, l’ont fait suivre par dépit ou énervement à d’autres… C’est le plus grand danger du mail : il est sujet à interprétation, il ne permet pas le feedback ni la richesse du non-verbal dans un échange. Il est à ce titre plus que dangereux.

De transformer votre journée de travail en une succession d’interruptions permanentes. Le mail c’est ce petit diable qui vient toquer à votre porte et vous invite à le suivre, le regarder « au cas où ce serait important »…

Tout cela va mail (pardon, mal) se terminer si des règles du jeu ne viennent pas canaliser les débordements actuels.

D’autant que certains spécialistes de la sécurité informatique ont inventé les mails qui s’autodétruisent au bout de 7 jours…

Nous risquons bel et bien de toutes et tous de finir mis en boîte (mail bien sûr). Car à la boîte pro, nous ajoutons de notre propre chef les charmes de la boîte ou des boîtes perso, des messageries liées à nos profils réseaux sociaux…

COURRIER

Puisqu’il y a une journée pour tout dans le calendrier, gageons que la « journée sans mail » connaîtra un grand succès.

Ce billet vous a plu ou au contraire déplu ? Vous l’aurez deviné, je ne peux que vous inviter à m’envoyer un mail…

Je dois vous laisser ici, car mon smartphone, vibre d’impatience…

Il va devoir prendre son mail en patience 🙂 celui-là.

Bonne reprise ou bonne fin de vacances et merci pour votre fidélité.

Images : Franquin (Gaston Lagaffe), Ciné Max

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