Moi, candidat

Madame, Monsieur,

Pardon, excusez-moi. Désolé de vous déranger et d’empiéter sur votre temps que je sais précieux. Sincèrement.

Moi, petit candidat, Je prends aujourd’hui la plume pour vous écrire sous forme de lettre ouverte.

Pardon de mon audace, sans doute déplacée et peut être déplaisante. J’en conviens.

Vous dîtes souvent que le candidat cherche à se faire remarquer, quitte à en faire des tonnes.

sonnette

Aujourd’hui, au moins, vous aurez tout à fait raison.

Ne voyez dans le titre de cette lettre aucune allusion espiègle à l’actualité politique, même si cette lettre –à défaut d’être une lettre de motivation – est assurément motivée et engagée, quasi militante.

C’est que, voyez-vous, j’ai comme une désagréable saveur en bouche. Ce dérangeant sentiment d’être le laissé pour compte, la cinquième roue du carrosse lorsque l’on parle de recrutement. Plutôt étonnant n’est-ce pas ?

Foi de candidat. Sans mauvaise foi. Mais plus d’une fois.

Plus que de raison en tous cas, c’est certain.

Madame, Monsieur le recruteur. Vous exercez l’un des métiers les plus anciens de l’entreprise. En cela je vous respecte éminemment. Croyez-le bien.

Car je sais que votre métier, s’il n’est pas très à la mode ces temps-ci, est ardu et loin d’être évident. Vous devez satisfaire tout le monde, pour hier, à coût zéro. Oser sans droit à l’erreur, trouver ce qui n’existe pas ou plus.

J’ai hélas bien peur d’être porteur d’une autre mauvaise nouvelle. En forme de faire-part de décès.

Le candidat d’hier, mon prédécesseur, maintenu en vie artificiellement pendant un temps, est mort et enterré. Et avec lui le recrutement de papa et grand-papa.

Plus vite que vous n’avez pu ou su le voir.

Par manque d’attention, par peur, par la conséquence d’un malheureux complexe de supériorité ou que sais-je encore.

J’ai donc le rôle du salutaire électrochoc.

 defibrillateur

Aujourd’hui, là, maintenant, par la présente.

Pour vous aider à ouvrir les yeux, par-delà le douillet confort de vos certitudes et de vos repères, assis et confortés à tort au fil des ans. Ce n’est pas de gaieté de cœur, mais je vous le dois.

Moi candidat, j’aimerais être compris pour ce que je suis : une femme, un homme de mon époque.

Moi candidat, je vis en 2017.

Comment avez-vous pu penser que j’échapperais aux grands marqueurs du moment ? Allons donc. Soyons sérieux un instant, ressaisissons-nous que diable !

Demandez aux conseils qui vous accompagnent, aux sociologues, aux économistes renommés. Tous vous le diront avec leurs mots à eux : je suis un individu.

I.N.D.I.V.I.D.U.

 

MOI JE

Voyez comme j’articule clairement pour qu’il ne subsiste aucune ambiguïté. Un être unique. A ce titre, je fuis le standard, l’industriel, l’impersonnel, l’uniformité, le normé, le « one size fits all ». En un mot, tout ce qui me rend interchangeable. Je veux être reconnu dans ma différence. Dans le même temps, je privilégie, comme lorsque je suis client, les circuits courts, à mon écoute.

Je suis dans le « faire moi-même », dans la co-construction. Je suis acteur. J’aime le vrai, le vite. J’ai besoin d’être rassuré, mais aussi de vivre des expériences plaisantes. J’attends de l’inattendu, pas du convenu, car j’ai aussi un choix à faire parmi ce qui m’est proposé.

Me permettez-vous de vivre cela ?

Ou avez-vous fait des choix radicalement inverses ?

En réalité, je vois bien que vous standardisez vos process de recrutement (que vous faites d’ailleurs certifier). Vous créez des centres de recrutement centralisés. Vous publiez des offres d’emploi interchangeables entre-elles. Vous diffusez des procédures à respecter en tout temps et en tous lieux, partout dans votre réseau, pour vos managers en région. Vous codifiez à l’excès le recrutement. Vous le modélisez.

Oubliant sans doute au passage qu’il s’agit certes d’une équation, mais à plusieurs inconnues.

Vous rêvez d’un recrutement prédictif.

Vous nous attribuez des numéros de candidats. Vous scorez nos CV. Bientôt vous ferez disparaître notre patronyme, au nom du CV anonyme.

anonyme

J’allais oublier : vous ne nous répondez-pas, ou rarement, et dans pareil cas vous chargez un automate/progiciel de le faire.

Serions-nous dans une sorte de  dégustation à l’aveugle qui ne dit pas son nom ?

« Au nom de la Loi », littéralement, vous refusez également désormais d’aborder en entretien tout ce qui de près ou de loin pourrait s’approcher de mes réalisations personnelles, de ce qui me façonne, de mes engagements, de ce en quoi je crois.

Et puis, vous vous accrochez à mon CV, vestige d’hier, qui ne vous parlera jamais que de ce que j’ai fait dans le passé, alors que vous cherchez à construire, vous aussi, le futur.

N’est-ce pas has been et archaïque, de vous à moi ? Pensez-vous un seul instant que nous, candidats, pouvons raisonnablement nous y retrouver ?

vieillot

 

Vous avez changé le pansement, l’avez digitalisé au passage, au lieu de penser le changement.

Ce n’est pourtant plus un simple changement. C’est un chamboule-tout, un véritable tsunami. C’est la fin de tout ce en quoi vous avez cru.

Non mais allo quoi ?

Rendez-vous compte : moi candidat, j’ai désormais accès à toute l’information utile. Je peux changer d’entreprise, de métier à loisir. Je peux me former par moi-même, tout au long de ma vie professionnelle.

Je peux aussi vous aider. Si si, je ne plaisante pas.

Demandez-moi, associez-moi à vos réflexions. Je suis le consultant le moins coûteux. Bien moins cher, avec du bon sens à revendre.

Moi candidat, je ne vous laisserai pas tomber.

Je serai votre client-mystère du recrutement que vous aurez repensé.

client-mystere

 

Moi candidat, je vous propose un nouveau pacte ; autour d’un nouvel état esprit, de nouvelles façons de faire, d’interfaces candidats/recruteurs co-construites. D’un « vis ma vie de candidat ».

Pour passer de la marque employeur aux engagements employeur. Bien plus engageants et impactants car au fond tellement plus sincères.

S’engager c’est avancer avec, sans effet de manche, sans parti-pris marketing ni discours de façade. Sans s’ignorer ni se dénigrer mutuellement.

Moi candidat, je suis épuisé, et vous recruteur êtes à bout de souffle.

Dès lors nous n’avons d’autre choix que d’inspirer.

Et pour cela de nous respecter, ce qui suppose de nous parler.

Pour inventer demain. Et sortir enfin des sentiers battus.

Il y a ceux qui le feront, et vous que ferez-vous ?

Je vous prie de croire, Madame Monsieur, en l’assurance de mes sentiments respectueux.

Signé : Moi candidat, futur recruteur.

 signature

Source images : bvans.com, time.com, ac-deco.com, sofia.medicalistes.org, atenor-fetes.com

6 thoughts on “Moi, candidat

  1. Thomas, tu nous délivre ici un bien fameux billet !
    Tu brises en quelque sorte les chaînes d’un recrutement -depuis trop ?- longtemps enchaînés dans de bonnes vieilles pratiques qui vont à contre courant/tsunami de candidats qui s’affranchissent et ont de l’engagement et de la valeur ajoutée à apporter aux entreprises…à revendre !
    Bravo pour cette lettre aux recruteurs, ô combien ouverte, à l’image de cette prise de conscience qu’il sera -est déjà pour certains ?- trop tard d’avoir pour s’entourer des collaborateurs qui permettront à la stratégie de leur entreprise de prendre vie, et d’etre réalisée.
    La Work Force est en marche ! :).

  2. J’aime beaucoup le style et l’angle de vue de cet article! Je ne suis pas recruteuse, plutôt candidate mais je me suis souvent sentie déçue par les pratiques des recruteurs ; votre article posent des mots sur mon sentiment, merci!

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