L’apprenti… sage

Plus qu’un mode de formation heureusement remis sur le devant de la scène (il était temps), l’apprentissage nous dit en réalité beaucoup.

D’abord en ce qu’il s’adresse à tous, de l’interne en médecine au manager d’équipe, à tous niveaux et pour tous les métiers.

Surtout, il nous renvoie au chemin, plutôt qu’au parchemin, à l’honnête Homme.

A une posture salvatrice d’apprenant, à réhabiliter d’urgence en entreprise.

Je vous propose ici quelques perspectives qui je l’espère feront écho aux correctifs à apporter dans nos égarements Corporate respectifs.

L’apprenti est modeste. Il « sait qu’il ne sait rien ». Il canalise son égo, son envie d’être arrivé avant d’être parti. Il ne se prend pas pour ce qu’il n’est pas. Il n’est ni « sachant » ni « donneur de leçons ». Il est à sa place, avec la conscience de ses propres limites, qu’il s’efforcera patiemment de repousser dans le temps après en avoir discerné plus finement les contours.

L’apprenti se met en mode d’écoute active : il sait qu’il a à apprendre de ses aînés, des Anciens (au sens noble du terme) qui l’ont précédé dans son métier. Il sait qu’il doit se mettre en quête des bonnes pratiques. Il est récepteur avant de prétendre, un jour, à émettre à son tour. Ecouter, regarder, assimiler, se questionner sans cesse.

L’apprenti est actif : entre Ecole et entreprise, il fait preuve de curiosité (tout sauf un vilain défaut !), il prend en main sa formation.

L’apprenti avance par étape, pas à pas, acquis après acquis. Sans cassure brutale ni saut de plusieurs marches à la fois. Il est engagé dans une course de fond plus que de vitesse. Il fait, défait, refait, ne se satisfait pas du premier résultat. Il est patient. Il a un rapport différent au temps. Qui n’est pas celui, restrictif, de la fin de mois ou du semestriel. Il embrasse une perspective beaucoup plus large.

L’apprenti se donne, sous le regard bienveillant de son maître d’apprentissage, le droit à l’erreur. On apprend toujours de ses erreurs : il fait sien le précieux principe de « retour d’expérience » (le RETEX que les militaires connaissent bien). Il teste, il essaie, il expérimente, il prend sa chance. En un mot, il apprend qu’avant de doser, ce qui vient avec l’expérience, il faut oser !

L’apprenti a fait sien le principe des allers-retours : sur sa pratique, sur l’enseignement qu’il reçoit, sur l’alternance des phases pédagogiques « école-entreprise ». Sur la mise en pratique de la théorie, et, à son tour, la mise en perspective et la prise de recul sur sa pratique.  C’est d’ailleurs peut être cela cette agilité dont on nous parle tant.

L’apprenti comprend que l’esprit du geste compte tout autant que le geste lui-même dans sa seule dimension technique. Revisitant ainsi la courbe/efforts résultats et ses décalages bien connus.

L’apprenti tisse dans l’épreuve avec ses confrères apprentis des liens durables et solides qui résistent à la pression du quotidien professionnel.

L’apprenti prend conscience qu’il sera toujours un apprenant. Certains disent très justement « qu’ils sont d’éternels Apprentis ». Tout au long de leur vie professionnelle, ils cultiveront les temps d’échange, ils prendront des notes (et ils les reliront ensuite), ils n’oublieront pas de se benchmarker (concurrents, leaders du secteur…). Ils intègreront tout ce qui peut les rendre meilleurs, et avec eux leurs équipes. Ils aimeront apprendre. Comme dans un continuum qui ne s’arrête pas à la cérémonie de remise de leur titre / diplôme.

L’apprenti opératif, dans des temps pas si lointains, devenait ensuite compagnon, et voyageait de chantier en chantier. « Il n’y a pas d’homme plus complet que celui qui a beaucoup voyagé, qui a changé vingt fois la forme de sa pensée et de sa vie » nous disait Lamartine à ce sujet.

Je n’oublie pas le maître d’apprentissage, qui cultive auprès de l’apprenti l’art de transmettre, avec passion. En plus de son métier, au-delà de son métier.

Faire grandir, j’en ai l’intime conviction, c’est se grandir soi-même.

Aujourd’hui, où en sommes-nous, où en êtes-vous ?

-Là, maintenant, êtes-vous plutôt entourés de sachants ou de chercheurs-apprenants ?

-Qui croisez-vous en réunion, dans vos groupes de travail ?

-Quelles sont celles et quels sont ceux qui vous permettent de grandir et vous inspirent ?

-Quand avez-vous appris quelque chose de nouveau pour la dernière fois ? Qu’en avez-vous fait ?

-Quand avez-vous transmis et comment vous y êtes-vous pris, tant dans le contenu que dans la manière de faire ?

-Pourriez-vous définir votre entreprise comme une organisation apprenante, ouverte et poreuse ?

-Enfin, ceux qui semblent parfois vous rappeler à l’ordre et vous « apprendre votre métier » s’appuient-ils sur une légitimité de connaissance et de pratique ?

 

L’apprentissage a de l’avenir. Chez nous, chez vous.

C’est pour moi une question de performance, un gage de durabilité, et surtout un projet humainement enthousiasmant.

J’aime former, j’aime apprendre. J’aime l’apprentissage et tout ce qu’il véhicule.

L’apprentissage permet de bâtir, de se construire. Enlevez la lettre ‘R’ et « l’apprenti » devient d’ailleurs « appentis » 🙂

 

Et cela dépasse, de loin, les simples outils, supports, procédés et structures qui pourront porter tout cela et font actuellement débat, digital-bashing ou digital-washing obligent 🙂

 

Sources images : Hachette Livres, challengetheroom.fr, ActesSud, gchatelain.com, NetPublic.com

 

 

 

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